16 April: Novak Djokovic (French)
N. DJOKOVIC / P. Kohlschreiber
6/3, 4/6, 6/4
Interview de Novak DJOKOVIC
Q. Après le match, vous avez dit qu’il y avait eu quelques erreurs directs, mais pouvez-vous tirer des leçons de la manière dont vous vous êtes battu pour sortir d’une situation difficile ?
R. C’est justement ce que je peux tirer de positif aujourd’hui. J’ai réussi à rester dans le match, à me battre sur chaque point, à essayer de tenir mon service et j’ai pu obtenir un break au début du troisième set. J’ai perdu mon service pendant 4 jeux d’affilé au second set et cela ne m’était pas arrivé souvent dans ma vie. Je ne suis pas un grand serveur mais, tout de même, ça fait beaucoup. J’ai eu des hauts et des bas dans ce match et je me suis senti un peu rouillé sur le court.
Mon adversaire était difficile à jouer, bien sûr, car Philipp m’a déjà battu à Indian Wells. C’étain un bon match qui a eu lieu il y a moins d’un mois.
C’est pour cette raison que je l’avais à l’esprit aujourd’hui. Je trouve que j’aurait dû avan-cer davantage sur le court et être plus agressif au second set, mais il faut le féliciter d’avoir su varier le rythme et d’avoir bien joué.
Je prends bien cette victoire mais j’espère pouvoir mieux jouer au prochain tour parce que, si je veux aller loin dans ce tournoi, je dois absolument élever mon niveau de jeu.
Q. Vous avez un tableau assez difficile, surtout si tous les joueurs que l’on attend arrivent à passer leur tour. Pensez-vous que c’est mieux de pouvoir vous affûter contre des adversaires de haut niveau dès le début du tournoi comme aujourd’hui ? Ou préféreriez-vous avoir un parcours un peu plus facile au début ?
R. D’un certain côté, c’était bien que je passe deux heures et demie sur le court au-jourd’hui, pour mon premier match de la saison sur terre battue. Cette surface est très exigeante physiquement et tactiquement, il faut aussi savoir construire le point, être plus patient, lifter la balle davantage. Or, surtout sur mon revers, cela ne me vient pas natu-rellement. J’aime prendre la balle tôt et à plat. Ce sont des petites choses auxquelles il faut s’habituer et qu’il faut travailler. On reçoit toujours en retour une balle de plus.
Mon service n’a pas bien marché aujourd’hui. Les conditions étaient lourdes. Je pense que cela a duré pendant tout le match aujourd’hui.Mais je vois les choses du bon côté : c’est une bonne chose que j’ai pu avoir autant de temps de jeu parce que j’avais pu jouer quelques sets d’entrainement et tout ça, mais c’est très différent dans un match, avec la tension que l’on ressent toujours dans un match officiel
Q. Juste pour être sûr, je vous demande, du fait que la vitesse de votre deuxième service était très faible par rapport à d’habitude, si vous ressentiez une douleur. Êtes-vous blessé ?
R. Non, c’est juste le chronomètre qui ne marche pas bien (sourires). Non, il n’ y a au-cune douleur, heureusement. C’est juste que je ne sentais pas mon service aujourd’hui, on peut dire ça comme ça.
Q. Etes-vous satisfait de votre niveau de jeu actuellement ?
R. Il faut bien que je soit satisfait de mon niveau de jeu actuel. Je dois l’accepter, et es-sayer de l’améliorer. Est-ce mon meilleur jeu sur terre battue jusqu’à présente ?, non; loin de là, mais, au même temps, ce n’est pas si mal. C’est un processus qui va en s’améliorant. Je dois juste faire confiance au parcours qui m’amènerai, je l’espère, au niveau désiré. Que j’y arrive plus tard dans la semaine ou non, je n’en sais rien mais je vais essayer.
Je prends les choses jour après jour. Je n’ai pas de match demain, j’ai des choses à tra-vailler, j’espère pouvoir être plus dynamique sur le court au prochain tour et jouer à un niveau au-dessus.
Q. Il y a eu une interview avec votre compatriote et ami, Janko Tipsarevic…
R. Le podcast? Il me l’a envoyé, il y a quelques jours. Je n’ai pas tout écouté, une partie seulement.
Q. Il a parlé longuement de vous et de sa relation avec vous. L’une des choses qu’il a dites, c’est qu’il vous a averti que c’était une idée stupide d’être Président du Conseil de l’ATP et que cela vous distrayait de votre tennis. Je me demandais quelle était votre réaction à cette affirmation de sa part. Vous avez beaucoup par-lé des distractions qui vous éloignent des courts. Pensez-vous que ce rôle vous prend trop de temps ? Peut-être est-ce quelque chose qui ne vous intéressera plus à l’avenir ?
R. Tout d’abord, j’adore Janko. Il est l’un des amis plus proches que j’ai eu dans le monde du tennis dans ma carrière, dans ma vie. Je le respecte énormément parce qu’il est très franc, très transparent, honnête. Il ne cache rien et c’est quelque chose que j’apprécie. C’est une vertu dans le monde d’aujourd’hui.
Son commentaire, au sujet de mon implication sur la politique du tennis, d’un certain point de vue, est assez logique, on sait qu’on doit conserver son énergie, rester concentré sur ce qui est le plus important pour nous : la famille et le tennis. Mais, au même temps, c’est une décision en conscience, responsable, que j’ai prise en partie parce que les joueurs voulaient que j’occupe ce poste. J’ai été réélu pour ce poste et réélu comme Président pour un autre mandat.
Au Conseil, on ne reçoit aucune compensation financière. Tout est bénévole. Le Conseil a été plus actif que jamais, selon moi, en termes de communications. Donc, ça prend plus de temps mais, au même temps, nous comprenons tous que c’est un moment important pour le tennis, avec des nombreux changements, des règles différentes et des nouveaux tournois. Il y a une situation de transition sur le circuit et tout ce qui se passe a des impli-cations graves. Elles touchent des nombreux joueurs. Ce sont là les problèmes plus im-portants à régler pour le moment, et c’est de cela que nous parlons.
Alors, moi, je ne suis qu’un des dix joueurs. C’est vrai, je suis Président du Conseil, mais je suis un des dix joueurs et je fais partie du 50% de l’ensemble de la structure. Je ne peux pas prendre de décisions tout seul ; il n’y a aucun doute la-dessous.
Q. Dans un mois, vous serez à Paris. Avez-vous été bouleversé par le désastre de Notre Dame ? En avez-vous parlé avec d’autres joueurs ?
R. J’ai vu la nouvelle tard hier soir, donc je n’ai pas pu parler de cet événement avec d’autres personnes que mon équipe et mes proches. Je n’ai pas parlé aux Français, c’est l’une des infrastructures le plus emblématiques d’Europe sur le plan culturel et religieux. Ça a été un choc de voir ça.
D’après ce que j’ai compris, il semble que simultanément, à Jérusalem, une mosquée était en feu ; je ne sais pas du tout s’il y a un lien ou pas, mais c’est vraiment triste de voir ces bâtiment et ces structures emblématiques tomber comme ça. J’envoie mes prières et tous mes voeux aux Parisiens, à tout le peuple Français. J’espère que Notre Dame se re-lèvera.
Q. Pour revenir à Janko, il a souligné que la différence avec la NBA était que 50% des revenus revenaient aux joueurs ; il a proposé que 12% des revenus des Grands Chelems soient redistribués. Il a indiqué qu’il ne faudrait pas écarter la possibilité que l’on joue des Grands Chelems dans différents endroits. Je me de-mandais…
R. Jouer dans des endroits différents ?
Q. Tout le monde en parlait, mais c’est comme si on pouvait jouer Roland Garros à Rome.
R. Vous voulez dire que d’autres lieux pourraient organiser un Grand Chelem ?
Q. C’est ça, Qu’en pensez-vous ?
R. Et bien, dans la vie tout est possible, c’est ce que mon expérience m’a apprise. Mais, historiquement, les Grands Chelems étaient « les » plus gros tournois que ce sport n’a jamais eu et qu’il continue d’avoir. Ils existent depuis plus de 120 ans et nous devons, bien sûr, avoir du respect pour l’histoire et la tradition ; mais au même temps, il faut aus-si tenir compte de l’évolution de notre sport.
Il es évident que l’ATP ne gère pas les Grands Chelems, ces derniers sont indépendants. Il faut donc communiquer indépendamment avec eux et essayer de trouver des solutions pour améliorer, non seulement le tournoi lui-même, mais l’expérience du joueur dans le tournoi.
Il ne s’agit pas seulement des compensations financières, mais aussi d’installations, des courts, des matchs, tout ça. Il y a des nombreux élément qui entrent en jeu et le système est très complexe. Je fais partie de ce système depuis pas mal de temps et je dis ouver-tement que la structure que nous avons, notamment au sein de l’ATP, est défaillante. J’ai vraiment perdu confiance dans cette structure. Elle ne marche ni pour les tournois, ni pour les joueurs la plupart du temps.
Il faut affronter la réalité, nous avons des interêts différents entre les tournois et les joueurs. Mais nous sommes sur le même bateau. Et, puisque nous appartenons au même monde, nous devons nous respecter les un les autres.
Je respecte les tournois qui existent dans le monde car ils nous donnent la possibilité de jouer et nous devons donc travailler tous ensemble et avec eux ; mais, il me semble que, structurellement, nous devrions changer quelque chose.
En effet, il es difficile d’arriver à un consensus quand on en face contre face. Neuf fois sur dix, vous aurez trois représentants des joueurs qui se prononceront à faveur des joueurs, bien sûr, et trois tournois qui seront contre. Le Président se trouve toujours en port-à-faux. C’est vraiment un rôle difficile que celui de Président de l’ATP dans ce type de structures, selon moi, nous devons la changer parce qu’il faudrait alléger la pression et les responsabilités du Président qui doit à chaque fois prendre d’importantes décisions.
Pour l’instant, il doit rester sur un nuage, pour ainsi dire, car s’il donne satisfaction à un côté, l’autre côté sera forcément, fâché. Ce n’est donc pas facile de changer rapidement ce système. Je ne sais pas si ce sera possible à l’avenir. Pour moi les choses sont ou-vertes. Mais nous allons travailler avec ce que nous avons et, il me semble que le tennis masculin et le tennis féminin s’en sortent relativement bien depuis les dix dernières an-nées, au vu de la situation. Nous avançons dans la bonne direction, même si on peut tou-jours s’améliorer, c’es plutôt positif.