17 April: Pierre-Hugues Herbert (French)
P-H HERBERT / K. Nishikori
7/5, 6/4
Interview de Pierre-Hugues HERBERT
Modérateur : Questions en Français
Q. Bonjour, je suis le premier à parler, je vous félicite donc pour cette très belle victoire. C’est une très belle victoire
R. Merci beaucoup.
Q. Il faut en dire plus…
R. Oui, bien sûr. C’est une super victoire pour moi, peut-être la plus belle sur terre bat-tue ; peut-être une des plus belles de ma carrière en simple; je suis donc forcément ex-trêmement ému et fier de ma performance, sachant qu’il ne faut pas s’extasier non plus. Il a fallu que je sauve 10 balles de break ; je suis content d’avoir pu bien jouer sur les points importants. Mais il s’en est fallu de peu pour que ce soit lui qui prenne l’avantage.
Q. Oui, c’est la plus belle victoire en termes de classement, mais est-ce aussi la plus belle victoire en termes de sensations de jeu ? Ou tu t’es déjà senti plus fort sur un court ?
R. Je n’ai pas eu l’impression d’être au-dessus de lui sur le terrain, mais à un certain mo-ment j’ai senti que je le gênais et j’étais bien à ma place. Je n’ai pas eu l’impression d’avoir fait des miracles, d’avoir fait un match extraordinaire. Mais je me suis senti aussi bien que contre Verdasco la veille, et lors des moments difficiles, je n’ai pas paniqué et c’est pour ça que je suis sorti vainqueur de ce match.
Q. Bonjour Pierre-Hugues, bravo, est-ce que cette victoire te laisse penser que tu peux rivaliser avec les meilleurs ?
R. Je pense que je n’ai pas besoin de cette victoire, il y en a eu d’autres auparavant. Il y a eu de bons matches pour me dire que je peux gêner les meilleurs, dans un bon jour ; ça, je le savais en entrant sur le terrain. Je sais aussi que, de leur côté, dans un bon jour, ils peuvent me poser énormément de problèmes et même dominer le match, cela m’est déjà arrivé aussi. Voilà, je sais que j’ai progressé et que suis capable de sortir de gros matches. Ce qui fait du bien, c’est de les gagner.
Q. En fait, tu bats plus de top 20 qu’auparavant. A quel moment as-tu passé ce cap, est-ce devenu habituel ?
R. Je dirais que j’ai senti venir les progrès petit à petit à la fin 2017, début 2018, et vrai-ment s’installer courant 2018. Je sentais que je jouais bien vers la fin de 2018, lors du tournoi de Shenzen. Même en fin d’année, à ce tournoi, j’ai fait de très bons matches. Cela ne passait pas forcément à chaque fois, mais je sentais que le niveau était là. Nous avons continué à travailler et je sens que le travail avec mon équipe, avec Fabrice, Ben-jamin, a porté ses fruits sur le long terme et c’est très positif.
Q. Que penses-tu de cette victoire ? Parce que tu as battu le numéro 6 mondial mais je n’ai pas l’impression que ce soit un miracle non plus. Tu peux jouer encore mieux que ça au tennis ?
R. C’est ce que je disais. Je n’ai peut-être pas très bien joué au début du match parce que c’est difficile de jouer sur le court central et ce n’étaient pas les mêmes conditions que sur le Court des Princes. Puis, j’ai très bien senti les balles, comme je les sentais la veille contre Fernando, mais je disais auparavant que ce match, même si je l’ai gagné, il aurait lui aussi pu le remporter. J’ai été mené 0-40 et j’ai réussi à sauver deux jeux, 10 balles de break, et il n’a pas pu prendre mon service. D’un côté, je n’ai pas joué parfai-tement, mais en même temps, j’ai réussi à gagner. C’est ce qui compte. C’est très posi-tif. Je n’ai pas paniqué. Je n’ai pas non plus eu le sentiment de faire des miracles, à part ces tout derniers points que j’ai réussi à sauver, et j’ai pu rester bien concentré sur les points importants.
Q. Cette victoire va certainement conforter votre confiance ? Ce match est-il une référence ?
R. Oui, bien sûr. J’ai réussi à gêner numéro 6 mondial. Il est vrai qu’il jouait son premier match sur terre battue de la saison, mais cela reste très positif que j’ai pu le gêner alors qu’il a fait une excellente saison l’année dernière. C’est important pour moi. Comme je l’ai dit hier, il y a un équilibre fin à respecter. Je dois faire très attention à bien le faire, pour être efficace. Je dois continuer à garder mon calme, à bien me concentrer. Jusqu’à pré-sent, ça marche, avec deux ou trois excellents matches. Je dois vraiment faire attention à cette ligne, sinon, cela peut mal tourner.
Q. Votre prochain adversaire est Coric. Vous avez joué contre lui il y a six ans. Il était encore adolescent, 16 ans je crois. Quel joueur étiez-vous à cette époque, et quel joueur était-il, par rapport à aujourd’hui ?
R. La première fois, je l’ai joué au Japon, je pense. Il a gagné ce match qui a été très serré. Nous nous sommes tous les deux bien battus. Il était à l’époque une étoile mon-tante, et de mon côté, cette année-là, j’ai joué les qualifications pour Wimbledon. Je me souviens d’avoir très bien joué contre lui. Puis je l’ai joué à Madrid après avoir battu Lu-cas. Encore un bon match très serré, il a mérité cette victoire. Je progressais beaucoup à ce moment-là, mais lui aussi, et il a consolidé ces progrès par toutes ces victoires de l’année dernière. Il a accompli de grandes choses. Dans ce tournoi, ici, il a aussi gagné des matches difficiles. Il a passé beaucoup de temps sur terre battu, ce sera un grand défi à relever pour moi demain. Et une fois de plus, je ne serai pas le favori. En ma fa-veur, il y a le fait que j’ai moi aussi gagné deux matches difficiles, alors pourquoi pas ? Jamais deux sans trois. Nous verrons demain.
Q. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette ligne fine sur laquelle vous naviguez et cet équilibre à trouver ?
R. Mon tennis est un peu différent des autres joueurs, surtout sur terre battue. Quand on joue un jeu d’attaque on peut facilement perdre son équilibre, il faut donc des appuis so-lides, de bons appuis, c’est très important. Il faut frapper fort au bon moment, et prendre les bonnes décisions. Par exemple, si je suis sur la ligne de fond et que je ne frappe pas assez fort, comme contre Verdasco, alors je ne suis plus le même joueur parce que je suis sous pression. Cela se sent tout de suite sur le court. Il faut prendre la bonne déci-sion au bon moment, voilà ce que je veux dire par là. Si vous jouez du fond du court sans frapper, vous êtes comme tous les autres joueurs. Il faut faire quelque chose de spécial, de différent des autres. C’est ce que je pense.
Q. Cela veut-il dire qu’avec les années, vous avez appris à être patient ?
R. Il faut effectivement être patient sur terre battue. Il faut attendre le bon moment, il faut savoir quand attaquer mais il ne faut pas laisses passer les occasions. Il faut savoir quand il faut prendre des risques, même si à la fin, cela ne marche pas. C’est ce que j’appelle la ligne fine à respecter entre les bonnes et les mauvaises décisions, les bons appuis, le bon placement sur le court. C’est important en général, mais encore plus sur terre battue.
Q. Est-ce une question de mathématiques ? Benjamin disait que c’était des statis-tiques. En moyenne, sur 10 échanges, vous devez être patient sur terre battue, qu’en pensez-vous ?
R. Oui, il y a peut-être dix échanges pendant lesquels vous devez être patient, mais vous ne savez jamais à quel moment cet échange où il faut être patient arrive, et donc, vous ne savez pas quand il faut être patient et quand il ne faut pas. Peut-être faut-il être pa-tient pendant quatre échanges, puis vous pensez peut-être pouvoir prendre des risques et à la fin, cela ne marche pas. Ou à quatre reprises, les coups sont courts, et il faut atta-quer, il faut avancer. Il faut donc prendre des décisions, c’est ce que j’appelle la ligne fine. Il faut être très patient sur terre, c’est ce qui prend plus de temps à apprendre par rapport aux autres surfaces. Voilà pourquoi je suis très content d’avoir pu passer tout ce temps sur terre battue avant ce tournoi, j’ai joué deux tournois. C’est mon sixième match, et je commence à bien gérer ces équilibres assez fins et ces décisions. J’espère que cela va continuer.
Q. Nous parlons là de votre identité de jeu, mais vous êtes-vous posé la question au cours de votre carrière sur votre identité tennistique ? Ou bien vous contentez-vous de servir fort et courir au filet, quoiqu’il arrive ? Vous êtes-vous posé ces questions ?
R. Bien sûr, toute ma vie, toute ma carrière, parce que j’ai plein de coups à jouer, mon tennis est très complet et j’ai toujours trouvé difficile de trouver ma propre identité de joueur. Il faut s’imposer sur le court. Vous devez trouver votre équilibre, et si vous voulez être un bon joueur, il faut être différent. Tous les meilleurs joueurs sont différents. Ils imposent leur propre style. Il m’a fallu un moment pour le comprendre car à une certaine époque, je voulais jouer du fond du court comme tout le monde. Je voulais gagner les points du fond du court, frapper fort, ce qui n’est pas nécessaire avec mon style de jeu. Puis, petit à petit, j’ai commencé à comprendre que si je voulais être efficace, je devais être différent, il a fallu que je l’accepte, car j’avais plutôt tendance à vouloir faire comme les autres. C’est un travail de longue haleine, et c’est sans doute pour cette raison que j’ai mis plus de temps que les autres. Maintenant que j’ai 28 ans, je me sens vraiment bien.
Q. Vous souvenez-vous du moment où vous avez compris ça ? Lors d’un match en particulier ?
R. Je me souviens d’un tournoi particulier aux Etats-Unis, au Texas quelque part, un Fu-tures, et j’avais de nouveau perdu mon match en jouant du fond du court, en étant ten-du, en n’avançant pas dans le court, en ne montant pas à la volée. J’ai eu une conversa-tion à l’époque avec un ancien joueur appelé Ronald Agénor, qui était entraîneur là-bas. Il m’a dit quelque chose que mon père avait essayé de me dire depuis des années, et que je n’avais pas écouté. Parfois, c’est plus facile pour une tierce personne de vous dire les choses que quand on est le père par exemple. Mais je me souviens que cette conversa-tion m’a fait prendre conscience de certaines choses. Après ce match, il m’a dit tout cela et cela m’a fait changer. Je me rappelle encore, c’était un déclic.
Q. (question hors micro)
R. C’était contre un Sud-africain qui jouait à deux mains des deux côtés, lors d’un tournoi Futures au Texas. C’est tout ce dont je me souviens.